Le Butor étoilé préférerait des zones humides de faible profondeur (<30cm), à faible altitude (<300m) avec d'importantes surfaces de roseaux de croissance récente (1-3 ans avec quelques plantes plus âgées), plus rarement des zones plus fragmentées, voire des peuplement de papyrus, rizières, ou autres.
Le territoire du Butor est multi-nucléaire, c'est à dire que cet oiseau se déplace d'une zone à l'autre de son territoire, qui est parfois fragmenté, discontinu, même en période de reproduction. Les femelles nicheuses resteraient par contre cantonnées dans une zone très réduite autour du nid les premiers temps.
Après la période de reproduction, le territoire fréquenté devient encore plus important, de plusieurs hectares à plusieurs dizaines. En toute période, des zones peuvent faire partie du territoire de plusieurs oiseaux, même des mâles, qui ne les fréquentent cependant pas au même moment
[1],
[2].
De 1 à 5 femelles nicheuses pourraient partager le territoire d'un mâle, les pontes ayant lieu de mars à juin. Autres précisions sur la
fiche du Butor étoilé.
De très rares double nichées ont été observées en zone tempérée, dont une au Royaume-Uni dans le Suffolk
[3].
Concernant les comportements de cour et la parade amoureuse, les informations sont rares, seul un article cite plusieurs observations dans une rizière en Italie
[4] (voir aussi notre
résumé, observation et photos, qui paraît documenter une interaction mâle-femelle) : le mâle se distingue alors par les marques sombres beaucoup plus marquées sur le couronnement et les "moustaches", plumes du cou et de la tête gonflées (voir photos), et produirait son cri caractéristique tout en étendant et repliant son cou horizontalement. Il se rapprocherait, cou tendu, bec légèrement vers le bas, parfois marchant d'un côté puis de l'autre de la femelle, parfois tournant autour. L'attitude de la femelle correspond aussi à celle de nos photos, corps relativement horizontal, cou et bec tendus vers le haut. Lors d'une observation la femelle tourne le cou à droite et à gauche, toujours dans la position précédente. Les cris du mâle sont des séries de 3 ou 4 sons sourds le dernier étant parfois plus court. Les ailes légèrement pendantes, il monte ensuite la femelle.
Autres espèces du genre
Botaurus :
lentiginosus, poiciloptilus, pinnatus. Les sources diffèrent quand aux moeurs de ces derniers : "Le mâle du Butor étoilé, comme le Butor d'Amérique, ferait exception à la monogamie des Hérons et serait polygame, le mâle pouvant avoir plusieurs femelle nichant sur son territoire. Il ne participerait pas à l'élevage des jeunes. Le doute subsiste quant au Butor d'Australie
Botaurus poiciloptilus"
[5] ; "...la femelle construit le nid, alors que le mâle [du Butor d'Amérique] monte la garde"
[6]Pour compliquer encore les choses, ou à titre de divertissement! voici quelques extraits de Buffon
[7] concernant les moeurs du Butor étoilé. Dans le même texte différentes options sont décrites, selon que Buffon cite M. Salerne (qui cite lui même M. de la Ferme) ou M. Baillon :
- la femelle entreprendrait les choses, alors que le mâle resterait passif (mais M. Salerne finit par qualifier la description de M. de la Ferme de "joli roman"!)
- le mâle attirerait les femelles grâce à son chant caractéristique (mais Buffon admet plus loin que le Butor peut se faire entendre encore jusqu'aux moissons, soit des mois après la saison de reproduction)
Le mystère s'épaissit encore!
Extraits de "Histoire naturelle des oiseaux Tome septième", 1780 ? dans "Histoire naturelle générale et particulière", avec la description du cabinet ...Par Georges Louis Leclerc Buffon (comte de), Daubenton (Louis-Jean-Marie, M.), Philibert Guéneau de Montbéliard, La Cépède (Bernard Germain Etienne de La Ville sur Illon, M. le comte de). A Paris de l'Imprimerie Royale...Ce n'est qu'en automne & au coucher du soleil, selon Willughby, que le butor prend son essor pour voyager ou du moins pour changer de domicile ; on le prendroit dans son vol, pour un héron, si de moment à moment il faisoit entendre une voix toute différente, plus retentissante & plus grave,
côb, côb ; & ce cri quoique désagréable, ne l'est pas autant que la voix effrayante qui lui mérité le nom de butor ;
botaurus, quasi boatus tauri [8] ; c'est une espèce de mugissement
hî-rhônd qu'il répète cinq ou six fois de suite au printemps, & qu'on entend d'une demi-lieue ; la plus grosse contre-basse rend un son moins ronflant sous l'archet : pourroit-on imaginer que cette voix épouvantable, fût l'accent du tendre amour? mais ce n'est en effet que le cri du besoin physique & pressant d'une nature sauvage, grossière & farouche jusque dans l'expression du désir ; & ce butor une fois satisfait, fuit sa femelle ou la repousse, lors même qu'elle le recherche avec empressement
[9], & sans que ses avances aient aucun succès après une première union presque momentanée ; aussi vivent-ils à part chacun de leur côté. "Il m'est souvent arrivé, dit M. Hébert, de faire lever en même temps deux de ces oiseaux ; j'ai toujours remarqué qu'ils partoient à plus de deux cents pas l'un de l'autre, & qu'ils se posoient à égale distance". Cependant il faut croire que les accès du besoin & les approches instantanées se répètent peut-être à d'assez grands intervalles, s'il est vrai que le butor mugisse tant qu'il est en amour
[10] ; car ce mugissement commence au mois de février
[11], & on l'entend encore au temps de la moisson. Les gens de la campagne disent que pour faire ce cri mugissant, le butor plonge le bec dans la vase ; le premier ton de ce bruit énorme ressemble en effet à une forte aspiration, & le second à une expiration retentissante dans une cavité
[12]...
...Les oeufs du butor sont gris-blancs verdâtres ; il en fait quatre ou cinq, pose son nid au milieu des roseaux, sur une touffe de joncs...
...Le butor se
trouve par-tout où il y a des marais assez grands pour lui servir de retraite ; on le connoît dans la plupart de nos provinces ; il n'est pas rare en Angleterre
[13], & assez fréquent en Suisse
[14] & en Autriche
[15] ; on le voit aussi en Silésie
[16], en Danemarck
[17], en Suède
[18]...
...Aucun Observateur ne nous a donné de meilleurs renseignements que M. Baillon, sur les habitudes naturelles de et oiseau ; voici l'extrait de ce qu'il a bien voulu m'en écrire.
"...hors le temps des amours, où il prend du mouvement & change de lieu ; dans les autres saisons on ne peut le
trouver qu'avec des chiens. C'est dans les mois de février & mars, que les mâles jettent le matin & le soir, un cri qu'on pourroit comparer à l'explosion d'un fusil de gros calibre ; les femelles accourent de loin à ce cri, quelquefois une douzaine entoure un seul mâle, car dans cette espèce, comme dans celle des canards, il existe plus de femelles que de mâles ; ils piaffent devant elles & se battent contre les mâles qui surviennent. Ils font leur nids presque sur l'eau, au milieu des roseaux, dans le mois d'avril ; le temps de l'incubation est de vingt-quatre à vingt-cinq jours, les jeunes naissent presque nus, & sont d'une figure hideuse ; ils semblent n'être que cou & jambes, ils ne sortent du nid, que plus de vingt jours après leur naissance ; le père et la mère les nourrissent dans les premiers temps de sang-sues, de lézards & de frai de grenouilles, & ensuite des petites anguilles ; les premières plumes qui leur viennent sont rousses, comme celles des vieux ; leurs pieds & le bec sont plus blancs que verts...
..Il est facile de distinguer les butors mâles, par la couleur & par la taille, étant plus beaux, plus roux & plus gros que les femelles ; d'ailleurs ils ont les plumes de la poitrine & du cou plus longues..."
Références :1. Spatial behaviour of radio-tagged Eurasian bitterns Botaurus stellaris Luca Puglisi, M. Claudia Adamo and N. Emilio Baldaccini
2. Factors affecting Bittern Botaurus stellaris distribution in a Mediterranean wetland M. CLAUDIA ADAMO, LUCA PUGLISI and N. EMILIO BALDACCINI
3. The first case of successful double brooding in the Great Bittern Botaurus stellaris JOHN W. MALLORD, GLEN A. TYLER, GILLIAN GILBERT, KEN W. SMITH
4. Vocalizations and courtship displays of the Bittern Botaurus stellaris Gianfranco Alessandria, Franco Carpegna & Mauro Della Toffola
5. Herons, Egrets and Bitterns : Their Biology and Conservation in Australia, Neil McKilligan
6. The Illustrated Encyclopedia Of European Birds : MobileReference
7. Buffon : Histoire naturelle des oiseaux p. 318-321 books.google
8. Willughby : Botaurus, quod boatum tauri edat.
9. M. Salerne Ornithologie p.313 citant M. de la Chambre qu'il raille : c'est la femelle qui fait seule tous les frais de l'amour, de l'éducation & du ménage, tant est grande la paresse du mâle. C'est elle qui le sollicite & l'invite à l'amour par les fréquentes visites qu'elle lui fait, et par l'abondance des vivres qu'elle lui apporte...
10. Willughby : Nec diutius mugit quàm libidine tantatur.
11. C'est sûrement des cris du butor dont il s'agit dans le passage des poèmes d'Aristote Sect. II, XXXV, où il parle de ce mugissement pareil à celui d'un taureau, qui se fait entendre au printemps du fond des marais, & dont il cherche une explication physique dans des vents emprisonnées sous les eaux & formant des cavernes ; le peuple en rendoit des raisons superstitieuses, & ce n'étoit réellement que le cris d'un oiseau
12. Aldrovande
13. Britisch Zoology p.105
14. Gesner
15. Elench. austr. 348
16. Schwenckfeld, Avi Sils. p.225
17. Brunnich Ornithol. boreal.
18. Fauna Suecica