- Disparition des cavités pour les nids
- Additifs dans l'essence sans plomb
- Comportement
- Raréfaction des insectes
- Néonicotinoides
- Chats
- Stress
L'article original date de quelques années déjà, et apparemment il ne s'agissait pas d'une question complètement saugrenue, puisque le Moineau domestique figure désormais sur la liste rouge de l'UICN
[1] (espèces menacées ou à surveiller) 2016, car la population de l'espèce serait en baisse continuelle... on est heureusement encore loin du danger d'extinction, puisque la population mondiale est élevée (autour d'un milliard d'individus) et bien répartie sur une grande partie du monde.
Depuis quelques années certains observateurs décrivent une forte raréfaction du
Moineau domestique Passer domesticus, d'abord au Royaume-Uni où il est listé comme en danger depuis 2002, puis localement sur le continent, notamment en Allemagne. Le journal "The Independant" a même offert une récompense de £5.000 en 2000 pour la meilleure réponse scientifique, prix qui n'a toujours pas été attribué.
Selon ce journal
[2], la baisse serait de l'ordre de 10% à Paris pour les 17 dernières années, 50% à Hamburg depuis 30 ans, 60% à Prague, même tendance en Belgique, aux Pays-Bas en Italie et en Finlande, atteignant même 90% sur les 15 dernières années en Grande-Bretagne.
Les hypothèses avancées sont diverses : pies, chats, pesticides, arachides(!?), changements climatiques, antennes pour téléphones cellulaires et modernisation des constructions qui réduit le nombre de sites de nidification... Une étude de 2017 menée en Espagne montre que les Moineaux domestiques des villes seraient plus stressés que ceux des campagnes
[3], avec des taux de radicaux libres dans le sang plus élevés ; les auteurs penchent pour la pollution et la nourriture comme principales causes. Des lecteurs nous écrivent même pour se plaindre des prédations exercées par les faucons en pleine ville, voir messages ci-dessous ! Seules les explications les plus plausibles ou suffisament documentées sont reprises ici. N'hésitez pas à nous signaler toute étude sérieuse à ce sujet, car l'article original date de plus de 10 ans, est mis à jour quand des infos intéressantes nous parviennent !

Disparition des cavités pour les nids
La modernisation du milieu bâti rend la nidification difficile pour de nombreuses espèces, les anciennes bâtisses avec de nombreux recoins, failles et fissures ont diminué en ville pour laisser la place à des constructions plus gérables et faciles à entretenir, plus "lisses". C'est une réalité connue pour les rapaces nocturnes et les chauve-souris par exemple. Les cavités restantes sont souvent occupées par les Etourneaux, très nombreux et plus puissants, qui en situation de concurrence ne laisseront au Moineaux que celles trop petites pour eux ! bien que le Moineau ne soit pas difficile pour le choix de la cavité et réussit à s'installer dans des lieux souvent inattendus, parfois même mobiles (je me souviens d'un bac de transport entre le continent et une île à plusieurs kilomètres !) il sera évincé de la plupart des autres
trous...
Additifs dans l'essence sans plomb
Peut-être en liaison avec les résultats ci-dessus, un spécialiste du moineau, Summers-Smith, a
trouvé une corrélation entre le recul des effectifs de moineaux dans les grandes villes et l'
apparition de l'essence sans plomb : les antidétonants ajoutés, l'alcool, l'éther et le benzène
pourraient influencer négativement la présence d'insectes en ville qui sont indispensables pendant les premiers jours de la vie des jeunes Moineaux.
Comportement

Une autre étude de scientifiques écossais étalée sur des années et menée sur 10'000 moineaux, indiquerait plutôt un
problème comportemental. Les moineaux ne se prépareraient pas efficacement aux conditions hivernales, baisses de températures et raréfaction alimentaire.
Au lieu de prendre du poids avant l'arrivée du froid, les moineaux maintiendraient leur forme afin de leur offrir une meilleure chance de fuite devant des prédateurs [4]. Les pesées indiquent que le Moineau domestique n'augmente pas son poids de manière significative pendant l'automne.
Comment expliquer alors que cette raréfaction se produise maintenant, si ces comportements sont innés ? L'étude, réalisée par le BTO et les universités de Glasgow, St Andrews et Oxford, note aussi les changements du milieu, des villes plus propres, ainsi que l'affermage intensif qui réduit la quantité de grain renversé et de chaume d'hiver riche en graine, qui ont raréfié la quantité de nourriture disponible durant la saison froide. Ainsi, pour expliquer que le moineau a été plus affecté par ces changements que d'autres espèces, les chercheurs estiment que
les moineaux auraient été programmés pour être plutôt mobiles que gras.
"Ce modèle rend des moineaux bien plus vulnérables que d'autres espèces aux changements environnementaux qui réduisent les approvisionnements alimentaires, tels que des environnements urbains plus propres ou l'intensification agricole". Le Moineau domestique était par le passé si commun qu'il était considéré comme un parasite, mais dans les années 70 il est entré dans une phase de déclin, avec des populations à travers le Royaume-Uni régressant de 62% en 20 ans, soit une baisse de 12 millions d'oiseaux. À la différence de la plupart des espèces en régression, les nombres de moineau baissent dans les habitats ruraux et urbains.
Raréfaction des insectes
Kate Vincent, de Montfort University, Leicester, semble discerner un
lien entre le déclin de l'espèce et celui des nombreux insectes et autres invertébrés dont les poussins de moineau sont nourris [5]. Dans leur première semaine, les poussins ont besoin de protéines animales sous la forme de petits vers, mouches, aphids et araignées, et comme de nombreuses autres espèces granivores, frugivores ou omnivores, les jeunes moineaux sont nourris presque exclusivement d'insectes, larves, etc. Sur trois ans, plus de 600 nichoirs ont été suivis à Leicester et environs de la ville. En été, un nombre considérable de poussins étaient morts de faim dans leur nid, en grande partie dans la seconde couvée de l'année. Autant de jeunes moineaux ne survivent pas à leur premier hiver. Chaque année l'espèce a besoin de deux ou trois couvées (de quatre poussins chacun) pour maintenir la population à niveau. Si la deuxième couvée échoue, la population commencera à décliner. Vincent a
trouvé un taux de succès de 80% dans la première couvée, mais seulement un taux 65% dans la seconde. Bien que la recherche de Kate Vincent ne prouve pas spécifiquement que les insectes et autres invertébrés deviennent beaucoup plus rares en Grande-Bretagne en été, cela est suspecté par d'autres chercheurs.
Néonicotinoides
Enfin la piste la plus récente semble liée aux insecticides du type néonicotinoïdes (Thiaméthoxame, Clothianidine, imidaclopride, Acétamipride, Thiaclopride et Dinotéfurane et Nitempyrane interdits en France) : ces derniers sont relativement récents, apparus dans les années 1990, et n'expliqueraient pas les 1
ères observations du déclin. Ils sont désormais les plus utilisés dans l'agriculture. Surtout connus pour être une des causes probables du déclin des populations d'abeilles, leur effet sur les oiseaux pourrait être dévastateur. Selon une étude US
[6], une seule graine de maïs ou de blé traitée pourrait provoquer la mort d'un passereau, avec une dose léthale de 41 mg/kg (soit 0,62 mg milligrammes ou 620 &mu ; microgrammes pour un moineau de 15 g). Trois de ces produits sont interdits uniquement pour les cultures "attractives pour les abeilles" par l'UE, d'autres interdictions locales peuvent exister comme dans certaines villes aux USA.
Vu les déplacements que peuvent effectuer les moineaux en recherche de nourriture, allant picorer dans la campagne proche par exemple, cette piste semblerait alors une des plus sérieuse si le déclin de cette espèce s'avère confirmé.
Et même si les graines traitées et donc le pesticide ne sont pas absorbés, l'effet négatif de ces pesticides sur le nombre d'insectes pourrait gêner les moineaux et autres oiseaux qui s'en nourrissent, surtout lors de la période de reproduction (voir le point précédent).

Chats
Un danger qui touche tous les passereaux proches d'habitations, le chat ! Eh oui, les chats sont de plus en plus nombreux avec la population humaine qui augmente, même en ville un bonne partie d'entre-eux sortent, sans parler de ceux qui sont à la campagne, qui passent une bonne partie de la journée à chasser... Pour plus de détails à ce sujet, voir l'article consacré au sujet des dégâts causés par les chats :
Chats domestiques et oiseaux sauvages.

Stress
Titre volontairement provocateur, le stress a été brièvement mentionné dans l'introduction d cet article, mais une nouvelle étude concernant la mue de cette espèce pourrait apporter des éléments à cette théorie !
En effet, en Europe le Moineau mue traditionnellement en juillet-août, (
ci-contre un mâle en plumage frais), mais de nombreuses observations de Barcelone
[7] à Varsovie révèlent que certains de ces oiseaux changent aussi leurs plumes en plein hiver.
Une explication avancée est le facteur de stress, des situations de choc important pourraient provoquer ces changements de plumage hors saison, comme cela est documenté sur des espèces domestiquées, et venant en addition de la mue annuelle, donc sans besoin physiologique réel, puisque leur plumage n'a pas plus de 6 mois à ce moment, alors qu'il est prévu pour durer 1 année...
Sans que le lien soit fait entre un risque pour l'espèce, ni même pour ces individus - à priori les oiseaux sont bien protégés contre le froid pour autant qu'ils aient de la nourriture à disposition - il est probable que ce renouvellement complet des plumes implique un effort important pour l'organisme de ces oiseaux, et peut-être un accroissement des risques vitaux ?
Alors ? simple effet des modifications des milieux humains, plus aseptisés, cycle biologique naturel des populations (les rats subissent eux aussi des variations fortes de leur nombre, tous les 3 ans environs), nouveau "serpent de mer" ou "coup" médiatique d'un journal en mal d'inspiration ? Pour rappel, une baisse importante des populations de moineaux avait été observée suite au remplacement des chevaux par les automobiles dans les années 1920
[8] !
L'hypothèse des pesticides est probablement la plus documentée, et les causes du déclin s'il se confirme, sont sans doute le résultat de plusieurs de ces facteurs. Sans se prononcer définitivement, en 2016 l'IUCN mentionne le possible manque d'invertébrés pour nourrir les jeunes, et la baisse de vitalité de ceux-ci, peut-être en raison des pratiques agricoles récentes.
N'hésitez pas à nous laisser un
message ou un lien, une référence sérieuse à propos de ce mystère !
ornitho
-
17 oct. 2014
Bonjour, je n'ai personnellement pas observé une telle hécatombe chez les moineaux ! J'ai aussi le souvenir d'années plus bruyantes, et vous n'êtes pas la seule à faire cette remarque.
Les populations varient d'année en année, et les rassemblement en dortoir sur des arbres ne se font pas en toute saison.
Concernant les pesticides certains posent un problème pour certaines espèces d'oiseaux, particulièrement les perdrix:
Perdrix et pesticidesMais d'autres espèces comme le Moineau y sont aussi sensibles, j'ai rajouté un chapitre à ce propos dans l'article ci-dessus:
Moineaux et insecticides .
Cordialement.
DENOUEL MARLENE
il y a une quarantaine d'années les deux charmes, ce sont des arbres qui donnaient sur mon balcon étaient fréquentés par plus d'une centaine de moineaux; de nos jours plus un seul moineau; j'attribue cela aux pesticides quelqu'un peut me démontrer le contraire? je l'espère; cette situation me rend malade, le soir ces moineaux tenaient un concert avant de trouver leur place sur les branches de ces charmes; plus rien c'est désolant; où allons nous !!! les papillons idem, plus un vulcain, plus un pan de jour, aucun nacré encore moins un argus; triste à mourir.
ornitho

Merci pour vos courriers passionnés.
J'avoue être plus partagé sur la question, peut-être en raison d'une certaine fascination pour les rapaces? Ou est-ce parce que je n'ai jamais pu observer de prédation au sein de la cité que j'habite?
Pour faire bref, je résumerai mon point de vue en vous disant que la vie éternelle ou la justice n'étant pas de mises pour nous autres humains, il ne faut sans doute pas trop se faire trop de mauvais sang pour ces charmantes petites créatures.
J'essaie de comprendre votre agacement, et il est vrai que ne peux m'empêcher d'éprouver quelque tristesse quand je trouve un tas de petites plumes par terre, ou lorsque je vois un passereau lutter vainement entre les griffes d'un épervier, mais je n'observe ces scènes qu'à la campagne ou dans des zones encore plus naturelles.
Enfin, le Faucon crécerelle ne possède pas les meilleures armes pour la chasse aux oiseaux, contrairement aux Hobereau et Pélerin que j'ai pu observer à plusieurs reprises au coeur de la ville
S. ERWIN
Edit: en relisant ces pages, je me souviens du long hiver neigeux de 2009, durant lequel j'ai observé une tentative - avortée - de chasse d'un crécerelle en pleine ville
alain-claude galtié
-
29 juin 2006
Une telle "réponse" appelait une réaction:
Le 23 juin 2006
à l'attention de
Philippe Persuy
CORIF
Bonjour,
Merci pour le cours magistral explicatif. Cela m'a rajeuni car j’ai appris tout cela il y a très longtemps. En effet, j'ai fréquenté le Muséum il y a quarante ans avant de participer à l'essor du mouvement écologiste, d'ailleurs jusqu'à aujourd'hui car il y a encore énormément à faire - nous n’en sommes, malheureusement, qu’aux balbutiements (a).
Me classant d'emblée chez les béotiens, vous avez négligé quelques éléments de ma lettre qui méritaient un peu plus d'attention. Je voudrais donc, à nouveau, souligner un point qui n'est pas sans importance: la ville industrielle n'est pas la campagne. J'ajoute que la ville actuelle est assez différente de la ville où se promenait Buffon. Hélas! D'autant que, dans cette dernière, la campagne n'était jamais très loin et que vos chers faucons pouvaient, en effet, aller faire leurs courses « en banlieue ». Si votre démonstration et vos conseils sont valables pour un écosystème à peu près en bonne santé, comme certaines campagnes – certaines seulement -, ils ne le sont pas pour la ville du béton et de l'automobile qui, vous en conviendrez, est l'environnement le plus artificiel, donc le plus hostile à nos compagnons les passereaux. Minérale, la ville modelée par les industries les plus dures est assez éloignée d'un écosystème à un niveau de climax! Voilà pourquoi les dynamiques (b) que vous décrivez n'y ont guère cours: il ne s'agit pas du tout de la même économie.
Tout à votre démonstration, vous négligez donc les conditions particulièrement difficiles de la ville pour les oiseaux. Vous oubliez aussi les facteurs de prédation qui sont très importants en ville et que j'avais évoqués; ainsi l'automobile (il suffit de circuler à vélo pour en constater les ravages). Par contre, votre mise en cause des chats n'est valable que pour les campagnes où ils peuvent se promener librement. Avouez qu'en ville on voit peu de chats chasser autre chose que des boîtes et des croquettes! D'ailleurs, vous parlez vous-même de « villages » où les chats se montrent trop efficaces (c), et de « villages anglais » de surcroît. Vous négligez encore la facilité de la chasse pour les faucons en ville, du fait, pour leurs victimes, de l’impossibilité de se déplacer sous le couvert d’arbres, ou d'y trouver refuge. Et, puisque vous me parlez des petits rongeurs que les petits faucons iraient chercher à 20 ou 30 kilomètres du centre, sans même emprunter le RER, vous n'avez tenu aucun compte de mes observations sur le terrain.
L’application des mêmes recettes à tous les environnements n’est pas pertinente. Dans l'environnement urbain écologiquement très pauvre, tout est différent. C'est pourquoi l'introduction – ou l'encouragement – d'un prédateur habile y a des conséquences néfastes. Votre « prédateur naturel » n'y est plus si « naturel ». Il devient un facteur de prédation excédentaire (comme avec les chats). Rien à voir avec le « maintien du bon état sanitaire » de toute façon assuré par la difficulté et la dangerosité des conditions de vie (d). Dans cet environnement spécifique, c'est l'aide à la colonisation par le prédateur, voire la non-intervention devant sa multiplication, qui relèvent des interventions volontaristes nuisibles auxquelles vous faites référence.
Salutations écologistes distinguées
Alain-Claude Galtié
(a) Sur Internet, sous mon nom, vous trouverez quelques-unes de mes contributions.
(b) De grâce, pas de « mécanismes élémentaires » dans ce contexte. L'écologie et la doctrine mécaniste, et ses applications, ne font pas bon ménage! C'est justement la transposition du mécanisme à l'économie de la nature qui est une cause première de la crise planétaire.
(c) Comme les faucons en ville, somme toute…
(d) Voilà bien une vision utilitariste et gestionnaire d'où toute empathie est évidemment absente. Et qui va bien avec les expressions « populations-proies », « espèce-proie » et « proies à plumes » pour parler des moineaux (début puis page 2, fin du 1
er paragraphe). Mais pourquoi ceux qui pensent ainsi ne s'exposent-ils pas eux-mêmes à une sélection sanitaire? Que diriez-vous d'un « prédateur naturel » lâché dans vos bureaux pour améliorer « l'état sanitaire » de leur population?
alain-claude galtié

Voici la réponse du CORIF:
Montreuil, le 16 juin 2006
Cher Monsieur,
Nous vous remercions de votre lettre et du soin que vous prenez pour protéger les oiseaux et favoriser leur maintien à Paris. Vous appelez notre attention sur un point qui nécessite sans doute quelques explications.
On ne peut pas, en effet, protéger une espèce sans protéger toutes les autres et le milieu qui les abrite. Une espèce-proie fait vivre un prédateur qui en limite le nombre mais en maintien le bon état sanitaire. La prédation est un phénomène indispensable à la bonne santé des « populations-proies » [il n’est qu’à voir les ravages de l’absence de prédation sur le pigeon de ville, autrefois biset…], et un prédateur naturel n’a jamais conduit à la disparition de ses proies. Les campagnes d’éradication des prédateurs, liées à l’ignorance des mécanismes élémentaires de la biologie des populations, ont toujours, elles, été suivies de catastrophes pour les espèces qu’on prétendait protéger !
Si vous souhaitez en savoir plus sur ces sujets, nous nous permettons de vous conseiller la lecture des ouvrages suivants :
BARBAULT R., Ecologie des peuplements : structure, dynamique, Evolution , 288 p.,
Masson, 1992.
BARBAULT R., Ecologie générale, structure et fonctionnement de la biosphère, Masson, 1995.
Pour ce qui est des populations de moineau à Paris, rien ne prouve qu’elles soient spécialement en déclin. Le Corif et la LPO ont lancé une opération sur 5 ans pour en mesurer l’évolution et aucun résultat fiable n’est à ce jour disponible avant la fin de l’enquête. En tout cas il y en a encore beaucoup plus que dans d’autres villes ! En revanche, là où il est en déclin (Londres, Amsterdam, Hambourg…), les causes supposées sont nombreuses : pollution, aménagement des immeubles, pratiques agricoles autour des villes, etc. Son prédateur le plus dangereux – car non naturel – est le chat (30% de la mortalité du moineau dans les villages anglais).
Le faucon crécerelle n’est pas apparu récemment à Paris : comme beaucoup d’oiseaux pouvant nicher en falaise, il s’est adapté depuis longtemps aux bâtiments. Il existait à Paris déjà au XVIII
ème siècle, du temps de Buffon, et les relevés du Corif depuis 1988 ne notent pas une augmentation du nombre de couples (une trentaine sont connus). Le nombre de sites utilisables en ville étant très important, les nichoirs ne seraient d’aucune utilité pour augmenter sa densité. [Si ce sont eux à qui vous pensez, les deux nichoirs installés à la BNF l’ont été dans l’espoir qu’un couple de Faucon pèlerin vienne s’y installer. S’ils n’avaient pas été là, le couple de crécerelles qui en occupe un aurait niché sans doute juste à côté…Si vous parlez du nichoir de Nanterre, il a été posé pour éviter une nidification hasardeuse un balcon d’immeuble. ] D’autre part, le régime alimentaire de crécerelle reste majoritairement constitué de petits rongeurs qu’il va chercher en banlieue, même si l’envol des jeunes moineaux lui procure un surcroît de proies à plumes dans Paris en ce moment. Pour conclure sur le crécerelle, il n’y a aucun risque que le faucon crécerelle parisien mette en danger la population de moineaux !
Nous espérons que vous comprendrez donc qu’un écologiste conséquent ne peut qu’être à la fois pour la protection des moineaux et celle des faucons crécerelles : dans les deux cas il s’agit de défendre la biodiversité et ses représentants urbains !
Une dernière chose : un des réels dangers qui pèse sur les populations animales est en quelque sorte lié à une « domestication », parfois involontaire ; certains animaux, nourris par l’homme, perdent une partie de leur instinct, et cela ne leur est jamais favorable ; c’est pourquoi nous vous rappelons les conseils délivrés par toutes les associations naturalistes : ne nourrissez jamais les oiseaux en dehors de la période hivernale (privilégiez la présence d’insectes, de sites de nidification, la tranquillité, etc.).
Nous espérons avoir répondu à toute vos interrogations et vous prions de croire, Monsieur, en nos salutations naturalistes.
Pour le CORIF
Philippe PERSUY
Président
Galtié Alain-Claude

Lettre adressée à des association de défense des oiseaux qui soutiennent le développement des faucons en ville et, simultanément, déplorent la raréfaction des passereaux...
le 6 juin 2006
Depuis quelque temps, j'avais envie de me rapprocher de l'association que j'ai bien connue il y aura bientôt quarante ans, comme Antoine Reille d'ailleurs. Possible même que nous soyons côtoyés.
Toujours sensible aux difficultés croissantes vécues aujourd'hui par les oiseaux, je m'efforce de soutenir leurs populations tant à la campagne qu'à Paris. Dans la ville, j'ai, avec des voisins et de façon non concertée, contribué à repeupler le quartier en oiseaux depuis deux ans (principalement des moineaux, mais aussi des merles et quelques autres). Le changement est spectaculaire depuis qu'ils trouvent à manger, à boire, à se baigner et à se reposer dans la verdure en plusieurs endroits protégés de la circulation.
Malheureusement, je viens de constater que cette embellie est compromise par l'arrivée de prédateurs totalement incongrus en ville: des faucons crécerelle, là où ils ne peuvent que nuire, là on ne peut que les considérer comme des pestes. En effet, nous ne protégeons pas les oiseaux pour les voir mettre à mort!
Donc, je m'apprêtais à vous contacter pour discuter de ce nouveau problème quand, au hasard d'un détour par Internet pour jeter un oeil aux infos sur ce faucon, j'ai découvert avec stupéfaction que des membres de la LPO se félicitaient de la multiplication des sites de nidification des petits faucons, voire de plus gros, cela à Paris. J'ai même trouvé un texte signé par vous qui présente, comme une chose positive, l'installation de nichoirs pour les faucons. Et ce texte figure sur un site consacré à la raréfaction des moineaux... Alors, là, il y a un gros problème! Un problème écologique élémentaire, même. Les passereaux qui ont déjà beaucoup de mal à nicher, à se nourrir et à échapper aux automobiles (lourd tribut), aux pollutions, aux corneilles et aux pies, n'avaient pas besoin qu'on introduise des bourreaux surdoués dans leur espace déjà considérablement appauvri. C'est une aberration.
Est-il besoin de souligner que la ville est très différente du biotope des petits faucons? Il leur y est plutôt difficile d'y capturer les petits rongeurs, comme ils le font à la campagne. Ceux-ci restent tapis dans les maisons et les caves, bien à l'abri. Quant aux gros insectes et aux batraciens... Aussi, vous ne pouvez ignorer au détriment de quelle population ils prospèrent en ville. Faute de rongeurs et d'insectes, les faucons déracinés chassent les passereaux, exclusivement; et tout particulièrement les moineaux qu'il leur est très aisé de capturer - beaucoup trop facile entre les murailles nues des immeubles. Les feuillages où ils pourraient se dissimuler y sont plutôt rares!
Samedi dernier, alors que je n'étais présent qu'une fraction de la journée et n'ai pas vraiment passé ma vie devant la fenêtre, j'ai été témoin de la capture d'un jeune moineau par un crécerelle, à 2 mètres de moi, sans que mon intervention dissuade le faucon de poursuivre son attaque. Ce printemps, j'avais déjà entr'aperçu cet oiseau dans le ciel du quartier et avais espéré qu'il ne faisait que passer. Cette fois, j'ai craint qu'il n'y ait pris ses habitudes et suis devenu plus attentif. Et, en effet, j'ai vu un deuxième moineau – un adulte – se faire prendre, seulement deux à trois heures plus tard. Le lendemain, dimanche, seulement en l'espace de trois heures passées à travailler près des fenêtres ouvertes, ce sont deux autres moineaux que j'ai vu exécuter.
Des faucons se sont donc installés dans le quartier pour profiter de l'aubaine représentée par cette population de moineaux que des hommes ont aidé à se réinstaller. Nous en sommes à regretter ce que nous avons fait puisque ces malheureux oiseaux sont maintenant réduits à l'état de stock de nourriture pour ces prédateurs étrangers.
Quatre moineaux en deux jours, cela dans un petit passage, un espace ouvert de seulement 3000 m
2.! Avec toutes les prises que j'ai manquées, combien cela fait-il en réalité ? Quelle moyenne pour toute la ville? Merci de faire l’estimation en fonction de vos informations sur le nombre des rapaces qui nettoient la ville de ses oiseaux.
J'avais déjà vu l'un de ces petits faucons à l'oeuvre dans le quinzième arrondissement où j'habitais auparavant. Là encore, la victime était l'un des rares moineaux du coin. Plusieurs années plus tard, le phénomène s'est manifestement aggravé. Au rythme effréné du massacre, la population des moineaux est menacée à court terme. La population de notre quartier n'excédait pas quarante oiseaux il a peu. Et les moineaux ne sont pas les seuls à être menacés... Un couple de pouillots a passé l'été chez nous pendant deux ans. Il est revenu au début du printemps mais a disparu. Bouffé sans doute. De même ces mésanges charbonnières que je ne vois plus. Les martinets également beaucoup moins nombreux et moins présents dans l'espace proche. Pas la peine de chercher ailleurs une cause de la « mystérieuse » raréfaction des moineaux en ville.
Si rien n'est fait, pour stopper la dégradation, il ne restera plus que les pigeons à la fin de l'été. Comme auparavant.
Ne voyez-vous pas la contradiction? Cela mérite explications... Est-ce l'esthétique de l'attaque du rapace qui a fait oublier à quelques-uns la vie des autres oiseaux, eux réellement menacés (j'ai effectivement déjà vu ce genre d'âneries sur le piqué du faucon pèlerin)?
Au sein même de l'association, chez les ornithologues, n'y a-t-il pas prise de conscience qu'une très grosse bêtise a été commise et qu'il ne serait pas bête de commencer à réparer, et vite?
Lundi, alerté par une alarme générale chez les oiseaux, j'ai revu un crécerelle mais, bien heureusement, il était pris en chasse par les martinets – ce que ne savent pas faire nos moineaux urbains manifestement tétanisés par l'irruption des intrus.
Mardi. Occupé à jardiner depuis moins d'une demi-heure, j'assiste à une nouvelle capture. Cinq moineaux en quelques heures de présence à proximité des fenêtres, cela sur quatre jours, c'est énorme! La fréquence des prises semble indiquer qu'il y a des petits à nourrir. Ce qui est encore plus inquiétant. A ce rythme, nous pourrons très bientôt faire le deuil de notre population reconstituée de moineaux, de merles et autres.
Il y a grande urgence à prendre des mesures pour sauver les passereaux, telles que la suppression des nichoirs pour ces prédateurs délocalisés et, justement, une énergique opération de relocalisation dans les campagnes où ils pourront à loisir boulotter les campagnoles et les insectes en surnombre.
que vous semblez protéger et encourager à se multiplier
Salutations d’un écologiste